• LA MONTAGNE DE MOTS, Marie Gauthier

     

    Livre étonnant et poignant que celui-ci, écrit par nécessité, pour dépasser les blessures infligées par la vie. Le but initial n’est donc pas de conquérir un public ou de « faire » de la littérature, mais véritablement de plonger en soi, au plus profond, pour tenter d’y voir clair, de démêler les fils et surtout de se reconstruire, en alignant les mots les uns après les autres. D’où le titre, « une montagne de mots », qui dit bien qu’il a fallu passer par l’écriture pour comprendre sa douleur, tenter de l’apprivoiser et finalement mettre noir sur blanc ce qui faisait mal depuis si longtemps à cette femme de Millas .
    C’est donc une femme en pleine souffrance qui a d’abord pris la plume. Elle se sait différente depuis toujours, depuis en tout cas qu’une grave maladie l’a empêchée de vivre normalement son adolescence. Pendant que les autres jeunes découvraient le monde, elle, elle vivait isolée, renfermée, coupée de tous, même de sa famille et sa seule préoccupation était de savoir si elle allait s’en sortir, si elle allait vivre, tout simplement ou si à dix-sept ans se dessinait déjà la fin du parcours.
    On ne sort pas indemne de telles expériences, surtout lorsqu’on les connaît si jeune. On en sort ébranlée, vacillante, mais heureuse quand même de pouvoir enfin découvrir la vie. Et là, voilà que cela recommence, que le sort s’acharne de nouveau, mais autrement. Après quelques années de répit, la jeune femme qui commence à s’épanouir se fait agresser, sexuellement j’entends. Et là c’est trop. On ne peut dire « ça », à personne, même pas au mari. On se replie sur sa honte car, c’est bien connu, ce sont les victimes qui se sentent coupables, pas les agresseurs. Et c’est la lente descente aux enfers, le silence, la déprime, puis carrément la dépression. On s’isole, on se replie sur soi et on se retrouve dans la même situation que quelques années plus tôt, en plus grave encore si c’est possible. En effet, cette fois ce n’est plus la malchance qui vous a frappé, mais un homme qui a usé de violence à votre égard, alors qu’on aurait pu espérer que les hommes, justement, allaient vous tendre la main et vous aider à progresser, à vous en sortir. Du coup on s’éloigne d’eux comme du reste du monde et on reste seule avec sa souffrance.


    Ecrire tout cela, ce sera donc guérir en tentant d’y voir clair. Comprendre pourquoi on est repliée sur soi, indifférente et finalement agressive à ses heures. Et une fois qu’on aura écrit et décrit « ça » (l’agression) on pourra prendre du recul et se sentir mieux et finalement enfin parler et dire aux autres tout ce que l’on a ressenti. Ecriture cathartique donc que ce roman (en grande partie autobiographique, mais pas toujours), qui relève de la maïeutique socratique. Et c’est une nouvelle femme qui renaît après cette expérience, non pas oublieuse du traumatisme subi, mais enrichie par cette expérience de vie difficile. Elle en ressort plus mûre et se rend compte en plus qu’elle tient un livre en main, un livre fait avec tous ces mots que pendant si longtemps elle n’avait pas su dire.

    à suivre...

     


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